Trois étoiles ***

Pour 3 générations !

Saint-Léonard-des-Bois n’est pas seulement le plus beau village sarthois (voir notre édition du 9 février) qui accueille une école de pilote 4x4 « L’école des Alpes Mancelles » de Philippe Simonin (voir nos articles des 29 et 30 décembre) et abrite un peintre renommé « René Saint-Léonard » (voir notre sujet du 6 juin 2016). Il est plus que cela encore, mais est-ce si étonnant lorsqu’on sait que des peintres impressionnistes célèbres, tel que Jean-Baptiste Corot aimait à venir s’y reposer ou poser leur chevalet.

Les origines de l’histoire que nous allons vous conter aujourd’hui remontent à l’époque de la grande dépression économique mondiale des années 1929. C’est à ce moment-là que Alphonsine Lebreton fit l’acquisition à Saint-Léonard-des-Bois d’un hôtel qui avait été construit en 1906 par Georges Durand, nom donné par la suite à la « route de Tours » en hommage à cet homme né à Fresnay-Sur-Sarthe le 30 avril 1864 passionné d’automobiles il fut en effet avec ses amis Gustave Shingher, Georges Carel et René Pellier, l’un des fondateurs de l’Automobile Club de l’Ouest (ACO) et du premier Grand Prix de l’ACF qui se disputa les 25 et 26 juin 1906 en empruntant précisément la route …de Tours. Georges Durand ne s’arrêta d’ailleurs pas en si bon chemin et créa un peu plus tard la « Défense Automobile et Sportive » société d’assurance qui rejoindra quelques temps après le groupe des Mutuelles du Mans (MMA). Entre-temps ce diable d’homme avait aussi, avec Charles Faroux, journaliste polytechnicien et Jean-Marie Lelièvre, crée « les 24 Heures du Mans » dont la première édition se disputa les 26 et 27 mai 1923.

Fondateur du Syndicat d’initiative et du « Touring Hôtel »

Une vingtaine d’années plus tôt, en 1904, il avait également donné naissance au syndicat d’initiatives des Alpes-Mancelles et construit en 1906 « Le Touring Hôtel » dont Alphonsine Lebreton était devenue propriétaire en 1929. Une femme étonnante, « féministe » avant l’heure et indépendante au point d’effectuer alors qu’elle avait plus de soixante-dix ans de nombreux voyages à bicyclette pour se rendre de Saint-Léonard-des-Bois au Mont-Saint-Michel et même à Lourdes, faisant étape le soir dans des Routiers où elle jouait aux cartes en compagnie des camionneurs de passage. Alphonsine fut aussi propriétaire un peu plus tard d’une maison dénommée « Le cheval Blanc » qui fut transformée ultérieurement par ses enfants en crêperie. A cette époque Saint-Léonard-des-Bois comptait au centre du village un autre hôtel qui disposait, chose singulière, d’une « chambre noire » utilisée par des photographes de passage qui y développait leurs pellicules.

Des investissements importants

Alphonsine Lebreton exploita l’hôtel durant cinq années avant de le céder à son gendre et à sa fille, Maurice et Simone Duval. Pour l’anecdote le couple qui s’était marié en 1933 était parti, dès le lendemain de leur nuit de noces dans l’Est pour y suivre durant un an une formation (gestion, cuisine, etc.) à l’école hôtelière de Strasbourg. Drôle de lune de miel ! Fort de ces enseignements Maurice et Simone exploitèrent le « Touring Hôtel » durant soixante-deux ans avant de le transmettre à leurs enfants Georges et Monique Thommeret, cette dernière devenant PDG de la société en 1981. Les nouveaux propriétaires dirigèrent alors l’établissement jusqu’en 1996. Pendant toute cette période Georges s’impliqua aussi dans les affaires municipales occupant le poste de premier adjoint au maire durant douze années avant d’être élu premier magistrat de la commune pendant six ans. Aujourd’hui encore chacun s’accorde pour reconnaître qu’au cours de ses différents mandats le mari de Monique contribua largement au développement d’un secteur, le tourisme dont l’essor était essentiel à la survie de la région. A l’initiative de Georges et Monique Thommeret d’importantes transformations furent réalisées au cours des quinze années : Ajout d’une aile, d’un étage supplémentaire, construction d’une piscine extérieure (la seule dans tout l’Ouest pour un établissement de ce genre) d’un dancing, d’un golf miniature, d’un spa, etc. C’est dire que dans les années 1970 le « Touring Hôtel » n’avait plus grand-chose à voir avec celui construit par Georges Durand.

La restauration, une affaire de famille

En même temps que l’hôtel, classé trois étoiles nouvelles normes, était passé de 6 à 35 chambres, Maurice Duval avait ouvert un restaurant dont la notoriété dépassa vite les frontières de la petite commune de Saint-Léonard-des-Bois et même du département, sous l’impulsion d’un de ses fils, Jean-Claude, qui avait fait ses classes à Paris aux côtés du célèbre chef Raymond Oliver dans les cuisines du « Grand Véfour » (3 macarons Michelin). La table figura aussitôt dans les guides Michelin et Gault et Millau avec des notes les plus souvent de 15/20. Il faut dire que dans la famille Duval (…une parmi les onze recensées sur la commune) la cuisine est une affaire de famille. C’est ainsi qu’un autre fils de Maurice et de Simone, Gérard et son épouse Madeleine, exploitèrent durant plusieurs décennies l’hôtel-restaurant « Le Ronsin » à Fresnay-Sur-Sarthe tandis que le cadet, Daniel et sa femme Annick travaillèrent longtemps au « Touring » avant de devenir professeurs au Lycée professionnel Hélène Boucher dans la branche … hôtellerie-restaurant.

130 personnes pour une photo souvenir

C’est donc trois générations d’une même famille qui se sont succédées au « Touring Hôtel » et pour immortaliser une telle longévité, Maurice Duval décida en juillet 1989 de fêter les soixante ans de l’entreprise et de réunir sur une même photo quelques cent trente employés qui avaient travaillé au sein de l’établissement. Un moment émouvant bien sûr pour ces chefs, cuisiniers, maîtres d’hôtel, serveurs, femmes de chambres, etc. qui avaient vécu là une partie de leur vie et contribué à façonner la réputation d’un des plus beaux fleurons de l’hôtellerie restauration sarthoise. Malheureusement au cours des années qui suivirent avec la vente du « Touring » la belle histoire de celui-ci devait s’assombrir comme vous le découvrirez avec notre deuxième épisode intitulé : « Il faut sauver le Touring Hôtel »

So-Ho
Crédit photo : J.L Mevel