Willy Bihoreau : « Artiste …

… et militant à la fois »

Il y a quarante-huit heures nous avons eu le plaisir de vous faire découvrir en rubrique actu un artiste sarthois, engagé, d’une veine particulière qui vient d’exposer ses œuvres durant près de deux mois au Centre culturel de La Ferté-Bernard, « La Laverie ». Pour ceux qui n’ont pas eu la chance de visiter l’expo Ilatou vous offre ici une séance de rattrapage.

Il serait dommage en effet de passer à côté des toiles réalisées par Willy Bihoreau dont la forme d’expression et les thèmes tranchent résolument avec ce que l’on est habitué de voir. Et pour commencer parlons de sa façon de travailler qui débute à partir de croquis et d’esquisses. Jusque-là rien que de très anormal. Là ou les choses changent c’est lorsque l’artiste va ensuite, grâce à Internet, sélectionner des fragments visuels dont il a besoin afin de les assembler sur son ordinateur.

Un travail patient et méthodique

« C’est là un travail de recherche assez long et fastidieux, presque d’enquête, qui me permet d’assembler le tout à la façon d’un puzzle ». Ceci étant fait il lui reste alors à imprimer le résultat sur papier avant de le maroufler sur une toile pour enfin le reproduire à l’acrylique. C’est le moment où Willy pose la lumière et unifie les valeurs afin de finaliser son œuvre.

2005 l’année où tout a commencé

Cela fait maintenant treize ans qu’il s’est lancé dans cette entreprise de « dénonciation d’un quotidien insupportable ». Treize ans au cours desquels il ne va pas cesser de porter un regard aigu, critique, sans complaisance sur les ravages subis par notre mère nourricière, la Terre avec un grand T : « Cette expression artistique est pour moi un exutoire qui m’aide à supporter le regard que je porte sur l’humanité ». D’autres parleraient de salutaire thérapie tant l’homme se sent blessé, mais jamais désabusé, par toutes les atteintes qu’on fait subir à notre environnement.

Le résultat est un travail sombre de fin du monde, futuriste, fait d’usines désaffectées, de carcasses de voitures rendues à la vie sauvage, un univers noir qui ne laisse aucune place à la nature tant celle-ci est aujourd’hui abîmée. Ses références sont le graffiti, le futurisme, la science-fiction et les films d’anticipation ainsi que les jeux-vidéos et certains auteurs de BD tels que Bihal ou Giger.

Des scènes hyper réalistes

En découvrant les toiles très réalistes de Willy Bihoreau on en est tenté de se poser la question : Est-ce là le monde de demain, celui qui nous attend, qui nous est promis ? Suivie d’une autre tout aussi angoissante : « Parviendrons-nous à enrayer à temps cette spirale infernale du déclin avant qu’il ne soit trop tard ? » Notre monde dispose aujourd’hui de moyens comme jamais il n’en a eu au cours de toute l’histoire de l’humanité, d’un potentiel technologique, y compris de destruction, en même temps qu’une capacité quasi illimitée à accomplir des prouesses scientifiques dans tous les domaines (spatial, médecine, intelligence artificielle, chirurgie, etc.) La question est de savoir ce que nous allons faire de ce savoir, de ce pouvoir : le mettre à notre profit ou en être la victime ?

Un lanceur d’alerte

A mes yeux, Willy Bihoreau agit un peu à la façon d’un lanceur d’alerte, qui nous met en garde face aux menaces réelles et non virtuelles. Il nous laisse entrevoir un avenir désespéré mais il ouvre une fenêtre sur l’espoir. Il nous confie les clés de la maison avec cette recommandation : « A défaut d’entretien les murs se lézarderont et finiront par tomber en ruines ». Un discours qui n’est pas sans nous rappeler les cris d’alarme poussés jusque dans les grandes enceintes onusiennes en matière d’environnement et de réchauffement climatique. Comme quoi on peut être artiste et faire aussi acte militant au profit d’une cause noble. Ne pas vouloir se contenter d’être spectateur mais revendiquer un rôle d’acteur de notre destinée. Cela n’est pas incompatible car l’artiste est souvent le meilleur ambassadeur là où tous les autres ont échoué. Il est aussi un pédagogue qui par sa peinture, ses photographies, ses sculptures, ses chansons, sa musique, tente de sensibiliser, d’éduquer ses semblables, de les faire progresser sur la voie de la connaissance et de l’épanouissement personnel, de transformer des adolescents immatures en adultes conscients et responsables. A se demander si dans une autre vie, professionnelle cette fois, Willy Bihoreau ne serait pas …professeur de dessin. Ce que, renseignements pris, il est effectivement enseignant le dessin et la peinture à quelques cent cinquante élèves en différents lieux, Centres culturels, Université du temps libre au Mans, etc… L’homme, on l’a compris, pas un néophyte. A trente six ans et après avoir passé un Baccalauréat arts plastiques au lycée Bellevue du Mans, Willy a ensuite suivi une école d’arts à Paris avant d’intégrer des ateliers d’artistes, toujours dans la capitale et ce durant plusieurs années. Quant à l’avenir ? « Mon but est de continuer à progresser, innover, améliorer mon art, véhiculer un message humaniste, défendre une cause ». Bon courage, et ne changez rien.